La Prévôté d’Auteuil et celle de Passy
Nous ne savons si quelqu’un de nos confrères a eu la curiosité de consulter aux Archives Nationales les cartons concernant la prévôté d’Auteuil et celle de Passy. Nous avons parcouru rapidement quelques-uns de ces documents et nous en signalons tout l’intérêt.
Les prévôts rendaient la justice au nom des chanoines de Sainte-Geneviève, seigneurs d’Auteuil et coseigneurs de Passy. Leur juridiction représentait une justice de paix, un tribunal correctionnel et un tribunal criminel ; c’est ce que signifiait le droit de haute et basse justice.
Dans ces papiers, d’ailleurs pénibles à lire, car l’écriture en est trop fine ou trop rapide, il y a toute une histoire locale ; on y voit le nom d’une foule de gens, l’indication de leurs propriétés, ainsi que les menus faits et incidents qui constituent les humbles annales d’un village.
Au hasard de notre lecture, nous notons quelques-uns de ces points :
Auteuil. – Le 6 mai 1690, Jean Cressieu, jardinier à Auteuil, obtient des lettres de rémission et de grâce à cause de l’homicide par lui commis en la personne de Mathieu Chardon, mais il devra payer 20 livres pour faire prier Dieu pour l’âme du défunt.
En 1586, le prévôt avait condamné à mort Berchard, portier du parc et bois de Boulogne, pour l’assassinat d’un maçon d’Auteuil. Le parlement confirme la sentence.
En septembre 1780, arrêt du parlement qui confirme la sentence du prévôt d’Auteuil, « lequel avait condamné Pierre Lamarré pour vol de draps de toile exposés à la foi publique – on les faisait sécher – et être véhémentement soupçonné d’avoir volé pareillement cinq pièces de linge mouillé dont il a été trouvé saisi ; à être mis et attaché au carcan sur la place publique dudit lieu d’Auteuil, ensuite être flétri d’un fer chaud en forme des lettres G A L, et ensuite conduit à la chaîne et servir le roi sur ses galères ››.
Le 9 août 1784, Jean-Claude Gillet, messager juré de l’Université de Paris et bourgeois d’Auteuil, et y demeurant, Grande rue, se transporte pour une expertise « au hameau du Point-du-Jour. » Cette année, le prévôt s’appelle de Gaule, il est avocat au Parlement.
Beaucoup de vignerons. Il y a des messiers ; ils sont sévères ; on les voit verbaliser contre une femme qui faisait dans les vignes de l’herbe pour ses lapins.
Passy. – En 1602, Jean Genence, voiturier par eau à Passy, prend à bail, moyennant 60 écus par an, le droit de passe (bac) sur le passage nommé le passage du port de Passy, sis près des Bons-Hommes.
En 1637, Pierre Olivier est procureur fiscal à Auteuil pour Messieurs de Sainte-Geneviève et Tanneguy Séguier, seigneur de Passy. Il est aussi seigneur de Drancy et conseiller d’État.
En 1638, c’est Tanneguy Tallemant qui est seigneur de Passy, sous la tutelle du précédent.
En 1778, le sieur Péchigny obtient l’autorisation d’ouvrir une école à Passy. Elle lui est donnée par Marcel d’Aymard, chanoine honoraire d’Auteuil et grand chantre de Notre-Dame. En cette dernière qualité, cet ecclésiastique avait la haute main sur l’enseignement primaire à Paris et dans la banlieue.
En 1780, même autorisation accordée par le même à François-Joseph Denizot, dont nous avons parlé précédemment, en rappelant qu’à la fin de la Révolution, il avait été nommé juge à Paris. (Bull. Mens. n° 87, 1925).
En 1783, Jean-René, comte d’Andigné, fait pratiquer une saisie-arrêt.
On vole dans les vignes. En septembre 1785, à 8 heures du soir, un messier surprend trois suisses coupant des raisins et les mettant dans des serviettes ; il veut s’y opposer, mais il reçoit un coup de sabre ; de là, plainte devant le prévôt.
En 1788, un voleur est surpris dans l’église de Passy ; il s’enfuit ; on l’arrête à la porte du Bois.
Un autre jour, on trouve une ânesse égarée, et l’on cherche son propriétaire, ou bien un cheval s’en donne à cœur joie dans un champ de luzerne aux Basses-Bauches, et voilà ce dont devait connaître M. le prévôt.
Terminons par une mauvaise note pour Passy. Assez souvent, les mœurs laissent à désirer chez les filles d’une certaine condition, les domestiques par exemple. Elles sont obligées de déclarer grossesses ou accouchements illégitimes, et voici sous quelle forme :
« 17 août 1782, est comparue Marie-Jeanne Delarue, fille majeure, âgée de 35 ans ou environ, domestique actuelle chez le sieur Pierre-Louis Ridard, tailleur marchand d’habits à Passy, laquelle, pour satisfaire aux édits et déclarations du roi, a déclaré quelle est enceinte de 8 mois ou environ des œuvres d’un nommé Després, bourgeois de Paris, sous promesse de mariage, de laquelle déclaration elle a requis acte à elle octroyé [1].
GABRIEL VAUTHIER
Article publié dans le Bulletin de la Société Historique d’Auteuil et de Passy, tome XI, n° 110, page 110. L’article est consultable en ligne sur le site Gallica. La page 110 équivaut sur Gallica à la page 234 >>>